lundi 2 septembre 2013

Petit à petit

Des cartables, des trousses et des stylos, partout dans les supermarchés.
Des pubs pour des cahiers à la télé.
Pas de doute, c'est bien la rentrée!

Et comme chaque année, à cette période, je repense au CP...

Quand je pense que j’étais tellement content d’y aller! 
Cette année là, je me sentais vraiment prêt. Avec Papa, je me souviens, on s'était bien marrés pendant les vacances, on avait lu tous les Titeuf. On avait acheté le bon cartable, pas trop gros, pas trop lourd. J’avais de nouvelles baskets. Pour la première fois, j’avais un maître (et pas une maîtresse). Il avait retenu mon prénom dès le 1er jour! 
Et j’avais trop de chance, Hector était dans la même classe que moi.

Alors, c’est vrai qu’au final, je me sentais bien. Et que je n’ai pas fait attention au début.
C’est vraiment venu petit à petit. Des petites réflexions, par-ci par là,
Timothée, tu as fait quoi de ton échelle, ce matin?
Ca va Tim? T'arrives à monter sur ta chaise?
Ha, Timothée, désolé, je ne t’avais pas vu.

Tout ça, immanquablement suivi d’un rire gras et sonore…

J’ai vraiment mis du temps à réaliser. Je ne voyais pas de quoi ils voulaient parler. Après, je voyais, mais je ne comprenais toujours pas.
Qu’est-ce que ça pouvait faire que je sois petit? Et surtout, qu’est-ce que ça pouvait leur faire, à eux?
C’est bien qu’on ne soit pas tous de la même taille. Moi, je suis content de ne pas être aussi grand qu'Hector. C’est toujours lui qui perd le premier à cache-cache. Il y a toujours un de ses pieds qui dépassent...
Faut voir aussi quand il s’assied, une fois sur deux, il se cogne les genoux sous la table!
Pauvre Hector ! Il a beau être en rouge, ça ne l'empêche pas de se faire des bleus...


Et puis voilà, un jour, c’est arrivé. Dans la cour de récré. C’est là que je l’ai entendu pour la première fois.
«Chtimothée»…
Aoutch! On peut dire que celle-là, je ne l’avais pas vue venir.
Ce surnom, j’ai tout de suite senti qu’il allait me coller à la peau. Ça sonnait trop bien pour qu’ils s’en lassent.

J’étais vraiment dégoûté. Ça, on m’en avait dit des trucs sur l’école, que j’allais avoir plein de copains, que j’allais apprendre plein de trucs, qu’il faudrait être sage et tout ça, mais personne ne m’avait parlé de ça. Déjà que ce n’est pas drôle d’être le plus petit, mais si en plus, on se fait ridiculiser pour ça, c’est vraiment injuste.

Bon, c’était le moment ou jamais de réfléchir.
Papily m’avait dit qu’au fond de chacun de nous, il y a un héros qui sommeille, et que c’est à nous de le réveiller ou pas. J’adore! Papily, il a toujours de bonnes idées…
Du coup, à chaque fois qu’on m’appelait Chtimothée, je disais «Ça ne se voit peut-être pas, mais en fait, je suis un super-héros. Attention!»
Ils avaient beau ricaner, je n’en démordais plus.
J’avais un t-shirt que j’adorais et qui faisait trop "costume-de-Super". Je me battais pour le mettre le plus souvent possible. Violette se moquait trop de moi.

C’est quand j’ai commencé à refuser qu’on m’appelle Timothée, parce que j’étais Mégaman que les choses ont changé. Le maître, Papa, Maman… ils me regardaient tous bizarrement. Je sentais qu’ils n’aimaient pas ça.
Maman m’a dit «Super-héros ou pas, tu dois rester toi-même! Être menu, ça fait partie de toi, mon ptit loup. Et puis, apprends déjà à être gentil et poli avant d’essayer d’aller jouer les gros bras.»
Bah oui, je comprends bien, mais dans la cour de récré, ça ne pèse pas bien lourd tout ça. Je préfère dire aux copains que j’ai des super pouvoirs plutôt que de leur dire que je suis super bien élevé…

- Hé, Chtimothée, une balle au prisonnier, ça te dit?
-Non merci. J’ai promis à Mme Hermange de l’aider à ranger la bibliothèque.

Non, clairement, ça le faisait pas.
Moi, Mégaman !

En tout cas, plus le temps passait, et plus tout ça me mettait vraiment en colère. Même Hector et Saad s’y mettaient. Et les filles, aussi! Elles m’aimaient bien, pourtant, je crois. Mais, c’est comme si, à, force d’entendre que je n’étais pas grand, elles me trouvaient carrément chétif maintenant.
C’était devenu vraiment nul d’aller à l’école.

Et puis, un jour, je ne sais pas pourquoi, il y a eu la blague de trop, le «Chtimothée» qui a fait tout déborder.
Je ne me souviens plus de quoi il s’agissait, mais je me rappelle avoir eu subitement très chaud. Je sentais mes oreilles brûler. Et c’est sorti tout seul.
J’ai crié «Ouais, n’empêche que c’est Kirikou qui combat la sorcière et les Hobbits qui sauvent la Terre du Milieu! Alors, vous savez ce qu’il vous dit, Chtimothée?!»

Ils m’ont tous regardé, les yeux grand ouverts, sans rien dire. J’ai senti que ça les faisait réfléchir. Mais surtout, qu’ils étaient trop surpris pour réagir tout de suite.
Parce que personne n’est dupe. On sait tous que dans la vraie vie, le Gruffalo mange la souris. Mais on a tous envie de croire que le Petit Poucet aussi peut gagner. Au moins une fois de temps en temps.

Toujours est-il qu’après ce jour là, pour moi, il y a eu de moins en moins de blagues.
En fait, on était tous passés à autre chose. Il y avait le petit nouveau qui avait vraiment une sale coupe de cheveux. Le pauvre… Et la surveillante qui sentait mauvais des sandales. Le nuage n’avait pas vraiment disparu, c’est juste qu’il n’était plus au dessus de ma tête, et moi, ça m’arrangeait.


Aujourd’hui, j’ai grandi. Et bien sûr, les autres aussi…
Mais ce n’est plus important tout ça. Ce qui compte, c’est que, même si moi, je me sens toujours différent, les copains, eux, m’acceptent tel que je suis.
Petit.
Bah oui!













Previously dans Moi Timothée,
FLACON DE FAMILLE





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